- Sujet flottant
- Intro
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Problématiques possibles
- 1- Comment Ionesco, dans cette scène d’exposition, joue-t-il avec les conventions théâtrales ?
- 2- En quoi ce passage est-il une parodie* de scène d’exposition (1)
- 3- Dans quelle mesure peut-on affirmer que la scène étudiée est caractéristique d’une “anti-pièce” ?
- 4- En quoi cette scène est-elle une caricature de la petite bourgeoisie ?
- 5- Quelles sont les caractéristiques de cette scène d’exposition ?
- 6- Montrez comment Ionesco parodie la scène d’exposition traditionnelle.
- 7- Comment peut-on qualifier les propos de Madame Smith ?
- 8- Par quels procédés Ionesco tourne-t-il la bourgeoisie en dérision ?
- 9- Qu’est-ce qui fait l’originalité de cette scène d’exposition ?
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THEMES
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I. UNE PARODIE D'EXPOSITION
- Des éléments respectés
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Utilité traditionnelle de la scène d'exposition :
- Donner des infos sur : *Les personnages principaux;
*Le cadre spatio-temporel;
*L’intrigue.
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En apparence scène 1, vraie scène d'exposition Car, dès la première scène, le spectateur reçoit plusieurs informations
- la didascalie initiale indique précisément le décor de la scène qui
se déroule dans un salon anglais : « Intérieur bourgeois anglais » .
- Le lieu;"C'est parce que nous habitons dans les environs de Londres »
* Le nom des personnages principaux " et que notre nom est Smith »
* Le contexte : le couple vient de terminer son repas : « Nous avons mangé » .
*Liens entre les personnages : Epoux, c'est-à-dire Monsieur Madame Smith et leurs trois enfants / Mary la bonne :"Mary a bien cuit les pommes de terre »
- Caractère inintéressant et non dramatique de ce qui est décrit (un repas
dans son détail, avec de faux enjeux). L’auteur joue ainsi à reproduire les conventions propres à l’écriture dramatique pour les exacerber et en montrer l’absurdité.
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Beaucoup d'infos inutiles
- Informations nombreuses Mais totalement dénuées d'intérêt
- Didascalie initiale : 15 récurrences du mot "anglais"- chaque nom est accompagné de l'adjectif ce qui en devient vite ridicule notamment dans des expressions comme « Un feu anglais », « un long moment de silence anglais », « des chaussettes, anglaises ».La description du décor s’amuse du modèle des comédies bourgeoises et du vaudeville (description détaillée d’un espace réaliste) : cette didascalie initiale parodie d’ailleurs celle qui décrit le salon des Chandebise dans La Puce à l’oreille (1907) de Feydeau.
- les répliques de Madame Smith apportent beaucoup d'informations mais qui n'ont aucun intérêt pour comprendre l'intrigue... Elle fait une sorte de récit au passé « nous avons mangé de la soupe »…contrairement à ce qui se passe dans la dramaturgie classique, ce récit ne crée aucune intrigue et n’expose aucun enjeu qui ait des conséquences sur l’action (le drame au sens propre).on parle pour parler
- Trop d'infos sans intérêt qui parasitent, brouillent la fonction réelle d’une scène d’exposition. le spectateur s'interroge sur l'intérêt du propos
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Absence d'intrigue
- Aucune info sur l'intrigue de la pièce. Aucune info sur le personnage éponyme ni l'arrivée des Martin. aucune info sur le pompier. Par contre des infos sur L'épicier dont on ne parlera Plus jamais. bref ! les informations données sont inutiles et celles qui auraient dû être données inexistantes.
Une seule annonce touchant à l’avenir : l’ajout de l’anis étoilé dans la soupe. Evidemment, sans aucun rôle, ni aucun intérêt.
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Mise à mal de la temporalité
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Beaucoup d'incohérences temporelles
- Contradiction évidente entre la didascalie initiale : « La pendule anglaise frappe dix-sept coups anglais » et la première phrase de Madame Smith : « Tiens, il est neuf heures ».
- Donc ici La double énonciation apporte des énoncés contradictoires aux spectateurs/lecteurs
- Dans le théâtre classique, on indique en général le moment de la journée par une périphrase . C'est ce que fait ici Madame Smith puisque elle dit qu'il est neuf heures, alors que l'horloge vient de sonner 17 coups . ici, Mme Smith souligne artificiellement l’heure, ce qui renvoie à cette convention ; mais en plus, la pendule vient de sonner 17 coups, ce qui contredit d’emblée ce qu’elle dit
- DONC parodie de scène d’exposition : On ne sait rien de l'intrigue et les informations sont noyées dans détails inutiles.
- les éléments de la scène d'exposition traditionnelle semblent donc respectés
Mais on ne fait rien de l’intrigue ni du personnage éponyme: la cantatrice chauve
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II. UN LANGAGE QUI NE DIT RIEN
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Une étrange mécanique Langagière
- Les répliques de Madame Smith progressent de manière artificielle et mécanique :
Les phrases de Madame Smith ont une structure grammaticale très simple (sujet, vert, complément), et ne se coordonnent pas :« Le poisson était frais. Je m’en
suis léché les babines. J’en ai pris deux fois. » ce qui donne une impression décousue ; l'impression qu'il faut meubler le silence avec n'importe quoi.
Les asyndètes renforcent encore cette impression de mécanique du langage qui s'emballe : «« Nous avons mangé de la soupe, du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade anglaise »
- Il y a aussi l'utilisation de redondance, de répétitions :« Mary a bien cuit les pommes de terre, cette fois-ci. La dernière fois elle ne les avait pas bien fait cuire » .Il était inutile d'ajouter la deuxième proposition. Avec l'utilisation de « cette fois-ci » on avait compris que la fois précédente elles étaient mal cuites… (Tautologie)
- Plus les phrases de Madame Smith se complexifient moins elles ont de logique et de
la cohérence.
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Le non-sens au service de la parodie
- De faux liens de cause à effet : «« Nous avons bien mangé, cesoir. C’est parce que nous habitons dans les environs de Londres et que notre nom est Smith. » "Parce que » ne relient par des éléments qui ont un rapport entre eux
- Que vient faire le mot« Apothéose"À la fin de l'énumération de Madame Smith : «« Le yaourt est excellent pour l’estomac, les reins, l'appendicite et l'apothéose » ?
- De même, que vient faire la fausse analogie de Monsieur Smith entre le capitaine du bateau et le médecin ? même Madame Smith reconnaît qu'on ne peut comparer un bateau à un malade.. Même si par la suite elle se laisse convaincre par l'argument peu recevable de son époux : « « Pourquoi pas? Le bateau a aussi ses maladies ».
- DONC : Le langage est malmené tant dans son fond que dans sa forme. Les liens logiques sont illogiques...
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Critique d'autres formes théâtrales
- Notamment le vaudeville très en vogue dans la deuxième partie du 19e et le tua de boulevard. Regardez la vidéo (le début) d'un fil à la patte de Feydeau. Le cadre est le même, on sent que Ionesco le prend pour modèle et s'en moque
- Sous-sujet 2
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Une anti pièce
- une action inexistante, une parole mécanique, une logique toujours mise à mal, une intrigue impossible à définir à la fin de ces scènes d’exposition.
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Une curieuse situation d'énonciation
- Il y a deux personnages sur scène. Néanmoins Madame Smith parle seule. mais ce n'est pas un monologue puisque son mari sur la scène. En fait elle s'adresse à lui "Toi tu en as pris trois fois ", l'interroge même mais n'obtiendra pas de réponse et d'ailleurs ne semble pas en attendre. les onomatopées de son mari, Signalées par les didascalies, lui suffisent « Monsieur Smith fait claquer sa langue.
- On peut donc pas à parler de monologue n'est pas non plus de dialogue. La communication semble difficile voire inexistante.
- Dans l’exposition, l’impression d’artifice
provient souvent du fait qu’un personnage donne à un autre des informations qu’il connaît déjà,
informations qui sont en fait destinées au spectateur. Ionesco met bien en valeur cette artificialité
et l’adresse de Mme Smith pourrait être une adresse directe au public car on peut s’interroger sur
la raison qui la pousserait à dire à son propre mari « nous habitons dans les environs de Londres et notre nom est Smith » .
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Une critique de la bourgeoisie et des relations sociales
- « Smith » est un des noms de famille les plus répandus d'Angleterre (comme « Martin » pour la France). Il y a de la part des Ionesco la volonté d'utiliser un cliché; la famille anglaise petite-bourgeoise. Les préoccupations de Madame Smith ont peu d'intérêt : huile de l'épicerie et les soucis de transit : «(« Ça me fait aller Aux cabinets". Monsieur Smith lance des lieux communs, de vagues opinions sans aucun fondement " seule la marine est honnête en Angleterre »
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Synthese
- Le début de la scène présente les caractéristiques apparentes d'une scène d'exposition mais on se rend compte très vite que celle-ci sont incomplètes et malmenées dans une volonté parodique de l'auteur. Nous ne savons rien de l'intrigue, les deux personnages ne communiquent par, les propos de Madame Smith sont vides de sens et inutiles et parfois incohérents. D'une certaine façon, cette scène d'exposition qui n'annonce rien, annonce en réalité l' un des thèmes de la pièce : la vacuité du langage, son inutilité, son incapacité à communiquer . Le spectateur se trouve décontenancé,C'était bien l'intention de l'auteur. Et si l'on rit, et d'Henri céda rire inquiet devant ce couple lambda qui incarne la vacuité des rapports humains et du langage.